Vivre avec une tortue aquatique : comprendre, soigner et créer le bon milieu

29/09/2025

Pourquoi les tortues aquatiques fascinent (et pourquoi elles en demandent autant !)

Imaginez un animal qui explore le monde à la surface comme sous l’eau, patiente lorsqu’il guette son repas, ou fait la sieste, posé sur sa pierre préférée, sous un rayon de soleil — la tortue aquatique nous charme depuis l’Antiquité. Mais sous ses airs placides, ce “mini-dinosaure” demande des soins précis, qui allient observation, connaissances naturalistes et approche vétérinaire adaptée.

Dans cet article, nous vous invitons à plonger dans l’univers des tortues aquatiques : leur diversité, leur mode de vie, comment bien les accueillir chez soi, et les clés pour leur offrir une vie longue et sereine.

Les grandes familles de tortues aquatiques

Il existe plus de 300 espèces de tortues, mais toutes ne vivent pas dans l’eau. Les tortues aquatiques se distinguent en deux grands groupes principaux :

  • Les tortues d’eau douce: ce sont les plus répandues en captivité (Trachemys, Mauremys, Graptemys…)
  • Les tortues marines: elles sont protégées et inadaptées à la vie domestique (Caretta caretta, Chelonia mydas…)

Ici, nous allons surtout parler des tortues d’eau douce.

Quelques espèces emblématiques et leurs particularités

  • Trachemys scripta (Tortue de Floride) : popularisée dans les années 80-90, elle mesure adulte jusqu'à 30 cm et vit plus de 30 ans ! Elle est désormais interdite à la vente en France à cause de son caractère invasif (OFB).
  • Graptemys pseudogeographica (Tortue à dos de scie) : reconnaissable à sa carapace crénelée, très vive, elle apprécie les grands espaces de nage.
  • Mauremys leprosa (Cistude méditerranéenne) : seule tortue d’eau douce vraiment autochtone en France, protégée dans la nature (Source DREAL PACA).
  • Sternotherus odoratus (Tortue musquée) : plus discrète, taille modeste (13 cm adulte), excellente nageuse, mais aussi grimpeuse !
  • Pelomedusa subrufa (Pélomédusé) : originaire d'Afrique, résistante, adaptée aux débutants (attention aux températures de maintenance).

Chaque espèce a ses propres besoins, et une jolie carapace cache souvent un caractère (et des exigences…) bien affirmé !

Comportements et besoins fondamentaux : décrypter leur routine de “tortue-plouf”

Contrairement aux idées reçues, la plupart des tortues aquatiques ne passent pas toute leur vie sous l’eau. Elles alternent sorties sur la plage sèche pour s’exposer (thermorégulation essentielle), phases de nage et de repos immergé.

  • Thermorégulation : La tortue doit pouvoir choisir entre plusieurs températures. D’où l’importance d’une zone sèche sous lampe chauffante (30-32°C pour la plupart).
  • Grimpe et exploration : Certaines adorent escalader rochers ou branches. Prévoyez des caches et des obstacles stables.
  • Besoins en lumière UVB : Indispensable pour fixer le calcium, prévenir les maladies osseuses (MBD). Sans UVB, pas d’ossature solide ! (Source : SPA France)
  • Nage active : Un volume d’eau suffisant évite le surpoids, muscle les membres, stimule la curiosité.

Bien préparer l’habitat : aquarium, filtration et plage sèche

Une idée reçue très répandue voudrait que la tortue aquatique “tienne dans un petit bac”. Or, à l’âge adulte, beaucoup de tortues nécessitent au minimum :

  • 120 à 150 cm de long pour l’aquarium (soit environ 300 litres pour une Trachemys adulte)
  • 20 à 30 cm d’eau selon l’espèce (ex : Sternotherus : eau moins profonde, Trachemys ou Graptemys : bonne hauteur d’eau)
  • Une plage sèche facile d’accès, sous une lampe chauffante (idéale : 30 à 32°C)
  • Une ampoule UVB adaptée (intensité à adapter à la taille de l’habitat) : changer la lampe tous les 6 à 12 mois même si la lumière est toujours présente, car l’efficacité décline.

Sans ces éléments, la tortue stresse, son système immunitaire s’affaiblit : les maladies sont alors au rendez-vous (otites, pourriture de la carapace…).

La filtration : “mieux vaut trop que pas assez”

Les tortues sont (très) polluantes : elles mangent salement et produisent beaucoup de déchets organiques. Utiliser un filtre externe puissant (minimum 5 à 7 fois le volume du bac par heure) limite les risques d’ammoniac, de nitrites. Ajoutez un peu de pouzzolane ou de céramique dans le filtre pour offrir un support aux bactéries utiles à la dégradation des déchets.

Astuce : Un jet d’eau orienté vers la surface favorise l’oxygénation et évite la prolifération d’algues filamenteuses.

L’alimentation des tortues aquatiques : bien nourrir, c’est prévenir !

Contrairement à la croyance populaire, la majorité des tortues aquatiques ne se nourrit pas exclusivement de crevettes séchées (une vraie “junk food” pour elles !).

Quoi donner ?

  • Protéines animales : Poisson cru (non gras, non salé), petits crustacés frais, vers de vase, grillons, escargots…
  • Végétaux (essentiels chez l’adulte) : Pissenlit, endive, feuilles de mûrier, lentilles d’eau, élodée (certaines espèces n’en mangent pas jeunes, mais il faut en proposer régulièrement)
  • Suplements en calcium et vitamines : Cuttlebone (os de seiche naturelle), poudre de calcium pur, supplémentation régulière vitamine D3 si absence d’UVB.

À éviter absolument : Charcuterie, fromage, viande rouge, aliments industriels pour chiens ou chats. Oubliez aussi les “gamelles mixtes” mal équlibrées.

Fréquence des repas

  • Jeunes (0-2 ans) : tous les jours
  • Subadultes/adultes : 3 à 4 fois par semaine

Attention à l’excès de nourriture, surpoids et obésité sont très fréquents : la tortue doit rester active, pas transformée en “galette ambulante”.

Le point santé : surveiller et prévenir les soucis courants

Même si la tortue paraît robuste, elle cache souvent ses signes de maladie. Voici les signaux à repérer et les bons gestes à adopter.

  • Carapace molle ou déformée : Souvent dû à un manque d’UVB ou de calcium. Solution : supplémenter et offrir une vraie source UVB rapidement.
  • Yeux gonflés, animal qui flotte ou penche : Suspicion d’infection ou de problème respiratoire. Isoler au chaud et consulter un vétérinaire NAC en urgence.
  • Lésions cutanées, tâches blanchâtres : Risques de mycose ou d’abcès. Ne jamais tenter de gratter sans avis expert !
  • Perte d’appétit persistante : Mauvaise température, eau souillée, parasites ? Revérifiez chaque paramètre.

Le saviez-vous ? En captivité, la “surmortalité” des tortues aquatiques vient à 90 % de carences (alimentation/UVB) ou d’une mauvaise hygiène (source : SNVV, Fiches NAC).

Hygiène et maintenance

  • Changer 1/3 de l’eau chaque semaine, même avec un bon filtre.
  • Nettoyer la plage sèche et les accessoires (éviter l’eau de javel ; privilégier vinaigre blanc dilué).
  • Manipuler la tortue mains propres, pour éviter d’apporter des bactéries ou de recevoir des griffures involontaires.

Hivernation : faut-il laisser “hiberner” sa tortue aquatique ?

Certaines espèces, comme Mauremys ou Trachemys, hivernent naturellement dans la nature, en ralentissant leur alimentation et leur activité de l’automne au printemps.

  • En captivité : Sauf pour les spécialistes expérimentés, il vaut mieux éviter l’hivernation, afin d’observer sa tortue toute l’année et repérer d’éventuels soucis de santé. Si vous la préparez à l’hivernation, baissez progressivement la température sur 3 semaines, ne tentez jamais l’expérience sur un animal affaibli ou malade ! (Source : SNVV).

Certains éleveurs chevronnés pratiquent l’hivernation en cave, dans des bacs d’eau froide et propre, mais cela nécessite une surveillance quotidienne (risque de mycoses, d’étouffement…)

Erreurs fréquentes et idées reçues à éviter

  • Un petit bac “provisoire” : Une tortue grandit vite ! Mieux vaut investir d’emblée dans un vrai aquarium.
  • Pas besoin d’UVB : Faux ! Même avec un peu de soleil à la fenêtre, la lumière traverse mal le verre et ne suffit pas pour synthétiser la vitamine D3.
  • Toutes les tortues nagent en profondeur : Certaines préfèrent barboter juste sous la surface, et aiment se cacher (Sternotherus, Pelomedusa…)
  • Se nourrit de tout : Évitez le “je donne ce qu’il me reste”. Les carapaces molles et rachitiques sont légion à cause de cette idée reçue.

Partir sur de bonnes bases, c’est la garantie d’avoir sous les yeux un vrai spectacle vivant, en pleine santé… et parfois bien cabotin !

Voie ouverte : devenir “ami des tortues aquatiques”

Adopter une tortue aquatique, c’est un petit engagement de marathonien. On accueille chez soi un animal qui, bien entretenu, peut partager nos vies pendant 20, 30 ans… parfois plus ! C’est aussi un petit voyage quotidien : chaque regard, chaque geste d’alimentation, chaque moment d’observation est une invitation à redécouvrir la patience, la rigueur, et la beauté discrète de la nature.

Avant d’adopter, mieux vaut tout préparer et, en cas de question, ne jamais hésiter à demander conseil auprès de vétérinaires NAC, de refuges spécialisés ou d’associations naturalistes — on est (presque) toujours surpris par tout ce que l’on continue d’apprendre, même après des années de cohabitation !

Pour approfondir, voici quelques liens fiables et références :

Parce qu’une tortue épanouie, c’est une mosaïque de gestes patients, de soins sur-mesure, et un brin de fascination, chaque jour renouvelé.

Pour aller plus loin